Agriculture
L'agriculture a eu de profonds
effets sur la biodiversité à cause de ses facteurs cumulatifs sur le
paysage, particulièrement dans les régions méridionales du Canada. Au
nombre de ces effets, mentionnons l'altération des habitats (conversion
des forêts en terres agricoles destinées aux cultures et au pacage),
l'introduction de ravageurs exotiques et la pollution due aux pesticides
et aux engrais.
Il
se peut que l'agriculture contribue à conserver certaines espèces végétales,
essentiellement en protégeant leurs habitats contre l'urbanisation.
Cela est réalisable en vertu de processus de culture qui intègrent les
espèces sauvages dans les paysages agricoles. (RCIB, 1998)
L'activité agricole procure des emplois à près de 124 000 Québécois
et concentre plus de 3,5 milliards de dollars ou 2 % du PIB du Québec.
(Statistique Canada, 1994)
L'agriculture a plus d'effets
sur l'environnement que tout autre activité humaine à cause de l'altération
des habitats qu'elle provoque et de l'ampleur géographique de cette
altération. Parmi ces effets, mentionnons les variations des concentrations
de CO2 dans l'atmosphère, les variations des stocks génétiques naturels,
la modification des écosystèmes établis, l'introduction d'espèces exotiques
et les modifications à grande échelle des systèmes de drainage qui perturbent
les régimes d'inondations naturelles et accentuent l'érosion de la couche
arable. (Statistique Canada, 1994)
Disparition d'habitats/espèces
: La disparition
d'habitats naturels attribuable à l'agriculture est importante : nous
avons perdu plus de 85 % des prairies à graminées courtes, 80 % des
prairies à graminées mixtes, 85 % des forêts-parcs à trembles et la
quasi totalité des prairies indigènes à graminées longues. La disparition
d'habitats, associée à la dépendance à l'égard de quelques graines
de semences génétiquement modifiées à la place de cultures indigènes,
explique qu'un nombre anormalement élevé d'espèces végétales et animales
soient aujourd'hui en péril au Canada. (RCIB, 1992)
Érosion :
L'érosion du sol est un problème agricole dû à l'élimination de la
végétation naturelle d'une région. De ce fait, les eaux de surface
ou les vents peuvent emporter la couche arable, riche en éléments
nutritifs et en micro-organismes bénéfiques. Au Québec, on estime
que 3,4 millions de tonnes de couche arable subissent l'érosion par
l'eau chaque année. Le vent est un facteur négligeable au Québec,
même s'il joue un rôle important dans l'érosion du sol dans les Prairies.
L'érosion du sol a un effet direct sur la qualité des habitats, puisqu'elle
dénude toute une région et la rend impropre à la croissance des végétaux
qui en sont originaires. Par ailleurs, le sol affouillé se dépose
dans les cours d'eau, ce qui a pour effet de détruire les habitats
aquatiques fragiles. (Statistique Canada, 1994)
Pollution chimique
: Tandis que le sol est emporté par l'eau, les pesticides
et engrais que l'on épand abondamment sur les cultures commerciales
de même que les déchets animaux sont emportés par les eaux de ruissellement.
Au Québec en 1990-1991, 190 000 tonnes d'azote et 120 000 tonnes de
phosphore ont été épandues sous forme d'engrais sur les terres agricoles
ou étaient présents dans les déchets animaux. L'excédent d'éléments
nutritifs qui pénètrent dans les lacs et les cours d'eau par les eaux
de ruissellement peut contribuer à l'eutrophisation des milieux aquatiques,
ce qui altère et dégrade la biodiversité des écosystèmes aquatiques.
(Statistique Canada, 1994)
Au Québec, 34 000 km2 (2,5
% de la superficie totale) sont affectés à l'agriculture, essentiellement
dans les basses-terres du Saint-Laurent, où le sol est le plus fertile
et où l'on trouve la plus grande diversité de plantes indigènes au Québec,
ce qui est cause d'éventuels conflits entre la conservation de la biodiversité
et l'agriculture.
Environ 100 millions m3 d'eau
par an sont nécessaires pour irriguer les cultures au Québec (2 % de
la consommation totale d'eau de la province). Toutefois, l'irrigation
n'est que la quatrième activité qui consomme le plus d'eau après la
production d'énergie thermique, le secteur manufacturier et la consommation
des municipalités.
L'agriculture est également
tributaire des produits chimiques pour la fertilisation et les pesticides.
En 1990, on a épandu près de 470 000 tonnes d'engrais commerciaux sur
les cultures du Québec, soit 0,47 tonne par hectare de terre arable.
En outre, on a consacré plus de 43 millions de dollars à l'achat de
pesticides pour les cultures du Québec en 1990. L'épandage de pesticides
et d'engrais a connu une hausse spectaculaire au Canada depuis plusieurs
dizaines d'années, ce qui s'est traduit par une augmentation de la pollution
de l'air, de l'eau et du sol de source diffuse. (Statistique Canada,
1994)
Pêche
La pêche et les activités
connexes génèrent près de 89 millions de dollars par an (moins de 1
% du PIB) et emploient environ 10 000 Québécois. (Statistique Canada,
l'activité humaine et l'environnement : un compendium de statistiques,
p. 86, p. 30)
Même si la pêche ne joue
pas un rôle majeur dans l'économie du Québec, elle a néanmoins de profondes
répercussions sur la biodiversité. La pêche peut altérer les écosystèmes
aquatiques par une surexploitation des populations, l'ajout d'éléments
nutritifs (aquaculture), l'introduction d'espèces exotiques de poissons
et d'invertébrés, l'altération des habitats et la pollution. (Thibault,
p. 273)
On trouve au Canada près
d'un millier d'espèces de poissons, dont 200 sont des espèces d'eau
douce et le reste des espèces marines. À ce jour, 4 espèces canadiennes
ont disparu de la planète, 2 ont disparu du Canada et 53 sont actuellement
inscrites sur les listes du COSEPAC comme espèces en péril (voir section
intitulée Efforts de conservation au Canada). La surpêche a joué un
rôle appréciable dans le déclin et l'extinction de nombreuses espèces.
Par exemple, la morue de l'Atlantique a été décimée par la surpêche
tandis que le doré bleu, espèce rare endémique au lac Érié et présentant
des caractéristiques écologiques exceptionnelles, a disparu pour cause
de surpêche. La surpêche dans les provinces de l'Atlantique n'a pas
seulement entraîné une diminution des stocks de poissons, mais une modification
de la composition des communautés. Sur le banc Georges, entre 1963 et
1986, la proportion de morues dans les prises a régressé de 55 % à 11
% tandis que la proportion de « roussettes » passait de 2 % à 41 %.
Pour ce qui est du saumon, du flétan et du hareng sur la côte du Pacifique,
la surpêche est aggravé par la dégradation et la déperdition des frayères
d'eau douce.
Au Québec, les prises marines
se composent à environ 62 % de poissons démersaux (morue, aiglefin,
turbot) et à 29 % de crustacés, pour des prises totales de 83 000 tonnes
par an (selon les statistiques de 1991). Cela représente
néanmoins une importante baisse de la biomasse des espèces de fond pêchées
dans l'estuaire du Saint-Laurent entre 1981 et 1990. La baisse constante
de la biomasse est attribuée essentiellement à la disparition et à la
dégradation des habitats à cause de méthodes de pêche destructrices
et en deuxième lieu, à cause de la pollution chimique provenant des
centres urbains en amont.
L'aquaculture est une autre
activité humaine qui compromet de plus en plus la biodiversité des poissons,
principalement à cause du rejet accidentel de poissons en mauvaise santé
ou de souches non indigènes qui se croisent avec des populations indigènes
et qui diminuent leur aptitude et leur diversité génétique (l'hybridation
est analysée plus en détail à la rubrique «
Introduction d'espèces exotiques »). Par ailleurs, les déchets des établissements
piscicoles représentent une source importante de charges d'éléments
nutritifs qui dégradent souvent les habitats aquatiques vierges. (RCIB,
1992)
Foresterie
La valeur de la production
forestière au
Québec
a dépassé 1 milliard de dollars en 1991 (1 % du PIB) et a créé plus
de 80 000 emplois. Sur la superficie totale de forêts
productives accessibles (>500 000 km2), 87 % appartiennent au gouvernement
provincial et 12,5 % à des intérêts privés. Les forêts productives sont
situées pour la plupart dans l'écozone de la forêt boréale, dans les
régions du Saguenay-Lac Saint-Jean, de l'Abitibi-Témiscamingue et de
la Côte Nord. (Statistique Canada, 1994; Thibault, p. 337)
Près de 2 400 kilomètres
carrés de forêt ont été exploités en 1991, dont 81 % sous forme de coupes
rases. À l'inverse, on a replanté moins de 1 000 kilomètres carrés.
Malgré la baisse de l'importance de cette ressource pour l'économie
nationale, les volumes de récolte ont augmenté depuis 25 ans. (Statistique
Canada, 1994)
À l'instar de la pêche, la
foresterie n'est pas l'un des principaux éléments du PIB du Québec,
même si la façon dont elle est pratiquée fait planer de sérieuses menaces
sur les écosystèmes forestiers. La coupe rase, mode d'exploitation qui
prédomine au Québec, peut avoir des effets dévastateurs sur une région
en supprimant les habitats fauniques, en provoquant l'érosion de la
couche arable du sol riche en éléments nutritifs et en détruisant par
envasement des écosystèmes aquatiques. La coupe rase n'altère pas seulement
les habitats, elle élimine toute possibilité de rétablissement des habitats
après une perturbation due à la récolte. La régénération du sol est
un processus extrêmement lent. Les communautés d'arbres murs qui servent
d'habitat à quantité d'espèces végétales et animales, peuvent mettre
des dizaines d'années et même des siècles à se rétablir. Et advenant
même que les frayères retrouvent leur état d'origine, il se peut qu'il
n'y ait plus de populations de poissons pour les utiliser. Enfin, les
chemins d'exploitation ont fragmenté l'écosystème et l'ont rendu vulnérable
aux effets accessoires, comme les espèces exotiques tels que les oiseaux
parasitaires et les plantes adventices qui prospèrent dans les habitats
perturbés (sans oublier les êtres humains opportunistes).
La transformation des produits
du bois par l'industrie des pâtes et papiers constitue également une
importante source de pollution de l'eau et d'enrichissement organique
des écosystèmes aquatiques.
Urbanisation
Entre 1871 et 1991,
la proportion de Canadiens vivant dans les centres urbains est passée
de 19 % à 77 %, même si les centres urbains n'occupent que 0,7 % de
la superficie totale du pays. Les centres urbains ont néanmoins pris
une grande expansion depuis plusieurs décennies à leur périphérie (que
l'on connaît sous l'appellation d'étalement des villes). Sur tous les
centres urbains du Canada, seul Vancouver n'a pas connu
cet étalement car la ville est coincée entre l'océan et les montagnes.
Soixante-dix-huit pour cent
des habitants du Québec vivent dans des centres urbains. Dans les vingt
ans qui se sont écoulés entre 1971 et 1991, la superficie totale de
la communauté urbaine de Montréal est passée de 2 674 km2 à 3 509 km2,
celle de Québec de 907 km2 à 3 150 km2, tandis que Sherbrooke et Trois-Rivières
accédaient au statut de centres urbains. La majorité des grandes villes
sont situées dans les basses-terres du Saint-Laurent, qui est une écozone
très riche sur le plan biologique. Cela entraîne des conflits inévitables
entre les efforts visant à conserver la biodiversité et le besoin de
faire face à l'étalement des villes. (Statistique Canada, 1994)
Secteur manufacturier
Le secteur manufacturier
est générateur du plus grand nombre d'emplois et il représente la part
la plus importante du PIB du Québec. Ce secteur est à forte intensité
d'énergie et d'eau et ses principaux effets sur la biodiversité sont
la pollution de l'air, de l'eau et des sols. Il arrive que ces effets
soient particulièrement graves : les PCB produits par ce secteur se
sont accumulés et bioamplifiés dans les espèces fauniques et ont causé
des tares de reproduction chez les animaux qui se nourrissent à un niveau
élevé de la chaîne alimentaire, comme le balbuzard pêcheur et le faucon
pèlerin. Les émissions de la fonderie d'Inco à Sudbury (Ontario) sont
directement responsables d'une part significative des pluies acides
qui ont décimé les écosystèmes terrestres et aquatiques de l'est de
l'Amérique du Nord. Le rapport entre le secteur manufacturier et la
pollution est par ailleurs analysé dans la section ci-dessus consacrée
à la « Pollution ».
Mondialisation
La prolifération des traités
commerciaux internationaux depuis plusieurs dizaines d'années a abouti
à une hausse des mouvements mondiaux de marchandises. Même si la mondialisation
proprement dite ne porte directement préjudice à l'environnement, certains
paramètres des transports, notamment la navigation océanique, ont mis
à rude épreuve les systèmes naturels en facilitant l'introduction d'espèces
dans de nouveaux habitats, en introduisant des polluants dans les écosystèmes
aquatiques et en altérant et en détruisant les habitats côtiers.
L'incidence la plus grave
sur la mondialisation a été l'introduction d'espèces exotiques dans
les habitats indigènes. Cela est principalement dû au rejet des eaux
de ballast par les navires. Les navires remplissent leur ballast d'eau
à leur point d'origine comme dispositif de stabilisation durant leur
traversée des océans et rejettent ces eaux à la mer lorsqu'ils arrivent
à destination. Ces eaux de ballast peuvent contenir de nombreux végétaux
et animaux originaires d'autres parties du monde. Certains de ces organismes
survivent à la traversée et prolifèrent dans les Grands Lacs et dans
le Saint-Laurent et peuvent être extrêmement nuisibles aux espèces fauniques
indigènes car ils n'ont pas de prédateurs naturels. Comme exemples d'espèces
exotiques qui sont arrivées dans le Saint-Laurent de cette manière,
il faut mentionner la moule zébrée et Bythotrephes caderstroemi. Le
problème des espèces exotiques est analysé plus en détail à la section
« Introduction d'espèces exotiques ».
L'augmentation du trafic
maritime multiplie également les risques de déversements accidentels
de substances qui présentent un risque pour la faune aquatique, comme
le brut et les rejets d'hydrocarbures dans les écosystèmes aquatiques.
Étant donné que les ports
sont indispensables à la navigation maritime, leur construction de même
que le creusement et le dragage de chenaux nécessitent une modification
et parfois la destruction des habitats côtiers. Par exemple, un chenal
a été creusé au beau milieu du Saint-Laurent pour y créer la Voie maritime,
permettant ainsi aux navires de haute mer de se rendre jusqu'aux Grands
Lacs. Le dragage du Saint-Laurent a également fourni un nouveau vecteur
d'introduction d'espèces exotiques. La lamproie, par exemple a eu accès
à la région des Grands Lacs par le canal Welland et a réussi à s'établir
et à décimer des populations d'espèces de poissons indigènes en l'espace
de deux décennies.