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Raison
d'être de la conservation de la biodiversité
La protection de la biodiversité
est une question urgente à cause de l'extrême rapidité de la disparition
des espaces naturels. Au Canada, nous perdons plus de 100 hectares d'espaces
naturels chaque heure. Cela met à rude épreuve plus de 300 000 espèces
de végétaux et d'animaux que l'on trouve au Canada. Chaque population
de ces espèces dépend pour survivre d'une association de caractéristiques
physiques et biologiques, son propre habitat spécialisé. Par exemple,
le monarque
a besoin d'asclépiades communes pour se reproduire; le caribou des forêts
doit se nourrir de lichens et de mousse des plaines de la toundra alors
que le droséra carnivore a besoin d'un sol acide et humide que l'on
trouve dans les marécages; le pluvier siffleur, espèce en danger de
disparition, a besoin d'un site de nidification sur des plages à déclivité
modérée parsemées de rochers et de coquillages (Reid, 1996). D'où la
question qui revient souvent : « Est-il préférable de protéger des espèces
individuelles ou de protéger des écosystèmes et des habitats? »
Protection des
espèces
Souvent, en protégeant
l'habitat d'une espèce, on finit par protéger l'habitat de nombreuses
espèces différentes. Telle est la raison d'être de l'utilisation d'espèces
« parapluies » pour sensibiliser le public (comme à la situation du
béluga dans le Saint-Laurent, de la chouette mouchetée dans le nord-ouest
du Pacifique).
Il y a des limites à un
projet de protection axé sur les espèces. Une seule espèce à la fois
prend trop de temps; au moins 5 % des vertébrés et 30 % des espèces
végétales du Canada sont rares, menacées ou en danger de disparition
tandis que 307 espèces sont désignées en péril par le COSEPAC. Or
il est impossible de les protéger toutes une à une.
Protection des
systèmes
L'autre
façon de conserver la biodiversité consiste à protéger différents types
d'écosystèmes et d'habitats. La première étape consiste à classer les
habitats d'une région. À vrai dire, on a déjà fait beaucoup de recherches
dans ce domaine.
Il existe de multiples
façons de classer les écosystèmes terrestres du Canada. Par exemple,
chaque province a son propre système de classification, que le WWF
a utilisé pour tisser un réseau pancanadien de 486 écosystèmes. À
l'autre extrême, Parcs Canada a classé les systèmes terrestres en
39 zones différentes. Pour les besoins du présent rapport, nous parlerons
de la classification des terres établie par le gouvernement canadien
en 1996 et qui porte le titre de Cadre écologique national pour le
Canada. Le but de ce Cadre était d'avoir un système uniforme et écologique
de classification et de cartographie des écosystèmes terrestres. Pour
d'autres précisions sur ce cadre, il suffit de visiter le
site Web du RÉSÉ.
( http://www.cciw.ca/eman/intro.html
; rapport sur les Espaces en danger du WWF-Canada
; http://parkscanada.pch.gc.ca/np/np_e.htm
)
Avantages de la protection
des systèmes
Le Cadre écologique national
pour le Canada subdivise le pays en 15 écozones et en 217 écorégions.
Chaque écorégion est distincte sur le plan écologique et physique
et contient différents types d'organismes en plus de remplir différentes
fonctions. Il importe de protéger une partie de chacun de ces écosystèmes
vu que beaucoup d'entre eux sont altérés par l'activité humaine, que
ce soit par la destruction des habitats, le morcellement ou la surexploitation
des espèces.
En termes simples, le meilleur
moyen de conserver la biodiversité des espèces et des gènes consiste
à préserver la variété des écosystèmes qui ont permis l'émergence
et la survivance de cette diversité. Advenant des fluctuations de
populations ou même l'extinction locale de certaines espèces, l'environnement
sera toujours en mesure d'appuyer le rétablissement, le retour et
la survie de ses végétaux et animaux.
Suffisance du réseau
de zones protégés du Canada et du Québec.
La création d'un réseau
de zones protégées est importante pour préserver la biodiversité d'une
région. Idéalement, les zones protégées doivent être des noyaux de
haute qualité (riches en espèces) reliés en réseau à des zones tampons
aux affectations compatibles autour d'elles de manière à protéger
l'intégralité des écosystèmes ou des habitats. (Site
Web du RCIB)
La
majorité des zones protégées du Canada ne répondent pas actuellement
aux critères ci-dessus. Sur un total de 2 800 zones protégées que
l'on dénombre au Canada, 61 % sont rigoureusement protégées, mais
80 % d'entre elles sont de toutes petites dimensions (<10 km2). Le
WWF a décrété en 1998 qu'à peine 8 % des régions naturelles du Canada
étaient suffisamment protégées.
Sur les 75 régions naturelles
du Québec, aucune n'est suffisamment représentée par des zones protégées,
cinq sont modérément représentées et dix partiellement représentées,
60 demeurent sous-représentées, dont les deux-tiers sont dans le Nord
du Québec. Pour d'autres renseignements sur les activités de conservation
à l'échelle provinciale et fédérale, se reporter à la section sur
les questions de conservation.
Les zones protégées terrestres
du Québec couvrent environ 6,5 millions d'hectares. Deux nouveaux
parcs et 37 nouvelles réserves écologiques ont été créés depuis le
lancement de la campagne sur les Espaces en danger. (Rapport
d'étape sur les Espaces en danger; rapport sur
les Espaces en danger du WWF-Canada)
Limites
de protection des systèmes
Même si l'établissement
d'un réseau de zones protégées est un objectif noble, il doit céder
la place à l'utilisation durable du paysage environnant pour protéger
la diversité biologique. Une zone protégée a besoin d'un afflux et
d'un exode de matériel génétique et d'organismes afin d'en assurer
la variabilité génétique et les populations d'organismes. Advenant
que le paysage environnant soit gravement altéré ou détérioré, la
zone protégée risque de devenir un îlot isolé dont les habitants sont
vulnérables aux embouteillages génétiques et aux fluctuations de populations,
ce qui augmente les risques d'extinction. (Site Web du
RCIB)
Comment
protéger les espèces et les paysages?
Classes de zones
protégées
Une « zone protégée » peut
en fait désigner un grand nombre de secteurs différents, qui ont tous
été désignés comme étant protégés par la loi. Les grandes classifications
de zones protégées sont les parcs nationaux (comme le parc de
la Mauricie), les parcs provinciaux (comme le parc du Mont-Tremblant),
les réserves aménagées d'espèces sauvages (comme le parc de la
Vérendrye), les sites du patrimoine culturel (comme le Vieux-Québec
qui est un site du patrimoine mondial de l'UNESCO), les zones à désignation
mondiale (comme le mont Saint-Hilaire - qui est une réserve de l'homme
et de la biosphère de l'UNESCO) et les paysages protégés (dont
il n'existe actuellement aucun exemplaire au Québec).
Campagne
sur les Espaces en danger du WWF
En 1989, le WWF-Canada
a élaboré la Charte canadienne des sites naturels pour sensibiliser
le public canadien à la nécessité de protéger les sites naturels du
Canada. En 1992, les ministres fédéraux et provinciaux de l'Environnement,
des Parcs et de la Faune ont tous pris l'engagement formel de mener
la campagne 2000 sur les Espaces en danger, avalisant officiellement
l'initiative du WWF. L'objectif de la campagne sur les Espaces en
danger du WWF est d'établir un réseau d'aires protégées représentant
toutes les régions naturelles du Canada d'ici l'an 2000.
Le but
de la campagne sur les Espaces marins en danger est d'avoir au moins
le tiers des régions naturelles aquatiques du Canada suffisamment
protégées d'ici 2010. (Hummel,
1995
, Noss, 1994)
Comment sélectionne-t-on
les zones que l'on veut protéger?
Un certain nombre de mesures
entrent en jeu dans la sélection des zones à protéger. En premier
lieu, on détermine le nombre et le type des régions naturelles à protéger
et l'on répertorie les caractéristiques durables de la région. Si
l'on parle de caractéristiques durables, c'est parce que même si on
en éliminait la composante biologique, le paysage resterait inchangé
et, avec le temps, il pourrait même retrouver ses communautés naturelles
caractéristiques d'antan. C'est ce qu'on appelle la sélection à échelle
grossière. Pour d'autres précisions sur la façon dont les régions
naturelles sont sélectionnées et les caractéristiques durables répertoriées,
voir Hummel, 1995,
Noss, 1995 et Kavanagh
et Iacobelli, 1995.
Lorsque les caractéristiques
durables ont été identifiées, il faut alors se pencher sur l'intégrité
écologique (paramètres à plus petite échelle) de la région. Le maintien
de l'intégrité écologique d'une zone protégée ne tient pas seulement
compte des caractéristiques durables, mais également de l'emplacement
de la zone protégée et de l'affectation des terres qui l'entourent.
Par exemple, une zone protégée située dans une région dont le caractère
naturel est resté intact conservera sans doute son intégrité écologique
vu que les populations peuvent y être ramenées de l'extérieur de la
région. En revanche, une zone protégée située dans une région où l'utilisation
des terres est intensive fait planer une menace sur l'intégrité écologique
de la zone étant donné que les chemins, le déboisement et les autres
affectations des terres créent de sérieux obstacles à la recolonisation
et multiplient les risques de disparition de certaines espèces locales.
Il est tout aussi important d'établir des zones protégées dans les
secteurs où la diversité biologique est importante,
où l'endémisme est élevé tout comme la rareté afin de protéger du
mieux qu'on peut l'intégrité écologique de la zone protégée.
Enfin, on superpose une
carte des zones protégées existantes sur une carte des caractéristiques
durables et des régions importantes pour l'intégrité écologique de
la région naturelle afin de déterminer les caractéristiques qui manquent
dans les zones protégées. C'est ce qu'on appelle l'analyse des écarts
et c'est la méthode utilisée par le WWF pour déterminer les progrès
réalisés dans le cadre de la campagne sur les Espaces en danger. La
protection suffisante d'une région naturelle nécessite la protection
d'un exemple de chacune des caractéristiques durables de cette région,
tandis que les caractéristiques sous-représentées représentent les
« écarts » dans le système de protection. Cette analyse permet de
déterminer ce qu'il faut pour suffisamment protéger une région naturelle
donnée. Pour d'autres précisions, consultez Kavanagh
et Iacobelli, 1995.
(Reid,
1996 ; Hummel, 1995 ; Noss,
1995)
Remarque intéressante
: Le Canada possède les plus longues côtes du monde, le deuxième bouclier
continental en importance au monde et le plus vaste réseau mondial
de lacs d'eau douce. (WWF,
rapport d'étape 1997-1998)
Comment sélectionner
les zones marines qu'il y a lieu de protéger
On s'intéresse beaucoup
à l'établissement d'un réseau complet d'écosystèmes marins pour en
assurer la surveillance et la protection. Par exemple, Parcs Canada
a classé en termes assez généraux 29 régions marines naturelles. Mais
il n'existe pas encore de réseau complet d'écosystèmes marins, comme
il en existe dans le cas des écosystèmes terrestres.
Les zones protégées marines
sont nécessaires pour les mêmes raisons que les zones terrestres,
c'est-à-dire : conserver la diversité des végétaux et des animaux
qui s'y trouvent. La campagne sur les Espaces en danger du WWF vise
en partie à établir un réseau d'écosystèmes marins, en sus des écosystèmes
terrestres, d'ici 2010. Il n'existe actuellement qu'un seul parc maritime
national au Canada : le nouveau Parc maritime du Saguenay-Saint-Laurent
situé au confluent du Saguenay et du Saint-Laurent au Québec. (http://parkscanada.pch.gc.ca/nmca/nmp_e.htm
http://parkscanada.pch.gc.ca/parks/quebec/saguenay_st-laurent/saguenay_st-laurente.htm)
Protection
des espèces
Des mesures sont prises à
l'échelle fédérale et provinciale pour répertorier et assurer la protection
des espèces en péril au Canada comme au Québec.
COSEPAC
Le comité sur le statut
des espèces menacées de disparition au Canada a été créé en 1977 avec
pour mandat de dresser une liste nationale des espèces en péril, selon
les meilleures preuves scientifiques existantes. Le COSEPAC n'assume
aucun rôle législatif ou organisationnel, il peut seulement recommander
aux provinces et aux territoires les mesures à prendre. La liste des
espèces en péril est actualisée chaque année. La liste actuelle des
espèces figure à la section 3.2 du chapitre sur la Conservation de
la biodiversité au Canada.
L'actuel président du COSEPAC
est M. David Green, qui est également conservateur de la zoologie
des vertébrés au Musée Redpath. (Site
Web du COSEPAC)
Protection des espèces
par les provinces
Si le
COSEPAC n'est investi d'aucun pouvoir législatif, le Québec a adopté
des lois pour protéger ses espèces en péril et leurs habitats. Ces
lois sont également abordées à la section 2.1 du chapitre sur la Conservation
de la biodiversité du Québec. En bref, le texte le plus important
est la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (L.R.Q., ch. E-12.01),
adoptée en 1989.
Parmi les espèces en péril
qui figurent sur les listes du COSEPAC, près de 53 se retrouvent au
Québec. La province de Québec a néanmoins établi une liste de plus
de 450 espèces susceptibles d'être déclarées « en péril » en vertu
de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. La gestion des
espèces en danger relève des compétences du ministère de l'Environnement
et de la Faune du Québec (MEF) tandis que les données sur les espèces
en péril sont réunies et diffusées par le Centre des données sur le
patrimoine naturel du Québec. On trouvera d'autres précisions sur
ce Centre sur son site Web : http://www.mef.gouv.qc.ca/fr/environn/dev_dur/centre.htm.
(WWF,
1997)
Espaces
naturels vs biodiversité - différents objectifs de conservation?
La biodiversité équivaut-elle
à la nature?
Biodiversité et nature sont
deux termes difficiles à définir. Mais si l'on insiste, la plupart des
biologistes de la conservation admettent qu'il y a peu de différences
entre les deux. La différence peut se situer au niveau de l'application.
La biodiversité est un mot à la mode inventé dans les années 1980 pour
symboliser la préoccupation suscitée par la diversité des espèces, son
déclin et la nécessité de la protéger (alors qu'en réalité, la biodiversité
englobe bien plus que la simple diversité des espèces!). C'est un terme
qui sert à mobiliser les efforts pour protéger la diversité des choses
vivantes, même si celles-ci sont considérées comme des éléments de la
nature. (Takacs, 1996)
Une étendue sauvage équivaut-elle
à la nature?
Une étendue sauvage, à l'instar
de la nature et de la biodiversité, est un concept mal défini qui dépend
de l'optique dans laquelle se place celui qui l'utilise. Il se peut
qu'un trappeur du Nord du Québec considère le mont Tremblant comme un
lieu de civilisation, alors qu'un vacancier de Montréal y verra un espace
naturel.
La US Wilderness
Act de 1964 définit un espace naturel comme un lieu « qui se distingue
des secteurs où l'homme et ses propres ouvrages dominent le paysage
[..] [espace naturel] est donc considéré comme un secteur où la Terre
et sa communauté de vie ne sont pas entravées par l'homme, où l'homme
lui-même est un visiteur de passage ». (US Wilderness Act, 1964)
Un espace naturel se définit
également parfois en fonction de sa taille. La US Outdoor Recreation
Resources Review Commission a défini l'espace naturel comme un lieu
sauvage couvrant une superficie d'au moins 100 000 acres sans réseau
routier.
Un espace naturel semble
donc être un lieu où la nature et les forces naturelles exercent plus
d'influence sur la terre que l'être humain. Essentiellement, l'espace
naturel n'équivaut pas à la nature. (Nash,
1967)
Peut-on dire que la biodiversité
équivaut à l'espace naturel?
C'est là que l'absence de
définition des trois termes devient la plus manifeste. La biodiversité
est considérée comme l'équivalent de la nature et l'espace sauvage est
considéré comme l'équivalent de la nature. Peut-on dès lors affirmer
que la biodiversité équivaut à l'espace naturel?
Les deux
termes ont été définis pour les besoins de l'aménagement. Et par rapport
à leurs objectifs d'aménagement, ils ne signifient pas forcément la
même chose, même si les espaces sauvages recoupent souvent des secteurs
où la biodiversité ou la rareté sont importantes (par exemple, le parc
des Escoumins au Québec).
 Il
arrive que les parcs nationaux et d'autres zones protégées soient créés
en raison de la splendeur du paysage, même s'il ne s'agit pas d'une
zone présentant un intérêt biologique (comme le Parc national de Banff,
le premier parc national du Canada créé dans les années 1880) ou en
raison du fait que la zone protégée symbolise une grande diversité ou
rareté (comme les milieux humides), même s'il ne s'agit pas forcément
d'un paysage panoramique ou spectaculaire. Le plan du système de parcs
nationaux de Parcs Canada et la campagne sur les Espaces en danger tiennent
compte de ces deux facteurs.
On trouvera d'autres précisions
sur la question des espaces naturels par rapport à la conservation de
la biodiversité dans : Sarkar, 1999;
Cronon, 1995; Nash,
1967.
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